Charte
de Bruges (Pyrénées Atlantiques), 13 mars 1360
Quil soit
Connu de tous ceux de Nostre Senhor mil CCC sexante qui verront les présentes lettres que
nous Gaston, par la grâce de Dieu, comte de Foix, vicomte de Béarn, de Marsan et de
Gavardan, à 0la prière de nos chers jurats, gardes et communauté de la nouvelle bastide
de Bruges, parce qu'ils avaient perdu les chartes et lettres de leurs privilèges, à eux
donnés et octroyés lors de la fon dation et commencement de la dite bastide par
Monseigneur Bertrand des Puyols, en ce temps-là notre lieutenant en Béarn, et par
nous-même confirmés et octroyés, lesquelles chartes et lettres, par suite de la crainte
de la guerre d'Armagnac, comme eux-mêmes ne possèdent pas un monument fortifié qui leur
soit propre, ils avaient transportées et mises en dépôt à Oloron, et là elles se sont
perdues par suite d'un accident de feu (incendie), nous leur avons renouvelé et octroyé
et par les présentes (lettres) nous leur renouvelons et octroyons les dits privilèges et
nous leur faisons dautres grâces, afin qu'ils puissent y habiter et que les gens y
veuillent venir pour peupler et améliorer la dite bastide, de la manière suivante :
1. - Tout
d'abord, nous leur avons donné et octroyé le for de Morlaas en entier, duquel nous
voulons qu'ils usent et jouissent en toutes choses, ainsi que les bourgeois de la
localité de Morlàas en usent et jouissent.
2. - De
même, que chaque habitant de la dite bastide possède sa place de 62 « arrases »
de long et 16 de large pour bâtir, et demi journal de terre, pour enclos, payant pour
cette place et cet enclos 3 deniers morlaas de redevance chaque année à Noël.
3. - De
même, que chaque habitant de la localité puisse construire avec de la pierre la façade,
la partie postérieure et les côtés (de sa maison), aussi haut qu'il lui plaira.
4. -De
même, qu'ils aient cinq journaux de terre pour pacage à chaque sortie des quatre
portails qui y sont et ceux-là libres et francs de toute redevance.
5. - De
même, comme nous devons leur faire les fortifications des portails, que nous ne puissions
pas les contraindre à faire le reste de la fermeture (fortification), jusqu'à ce que
nous leur ayons fait les dits « frontaus », et ceci la première fois.
6. -De
même, que chaque habitant de la localité ait 25 journaux de terre pour le labourage,
suivant la perche (mesure) de Gan, payant trois deniers morlaas de redevance pour chaque
journal, à Noël annuellement.
7. -De
même, que tout habitant de la localité puisse posséder deux journaux de bois réservé
pour y couper le bois de charpente et que dans ce bois mis en défens personne ne coupe
des arbres verts depuis que celui à qui il appartiendra l'aura clôturé, et si quelqu'un
faisait le contraire, que le baile lui inflige l'amende de 6 sols, à chaque fois que
celui qui possédera le bois en défens fera serment sur l'autel de la localité que
celui-là lui a causé du dommage.
8. -De
même, que chaque habitant de la localité possède deux journaux de terre pour planter
des vignes, payant la redevance de 3 deniers morlaas par journal.
9. -De
même, qu'ils possèdent tous en commun cent journaux de terre en guise de bois réservé,
payant 5 sols morlaas de redevance tous les ans à Noel.
10. -De
même, que tous les habitants et simples particuliers de la dite bastide soient exempts de
tout péage, droit dentrée, droit de passage sur les ponts, ainsi que le sont les
habitants d'Oloron dans tout notre domaine seigneurial acquis et à acquérir, à
perpétuité, et ceci parce que Arnaut de Mesplede, habitant de la dite bastide, suivant
notre volonté, a juré sur l'autel de Monseigneur Saint Pierre d'Orthez que ce privilège
leur avait été par nous accordé au commencement et à la fondation de la dite bastide.
11-De
même, que les habitants et chaque particulier de la dite bastide aient droit d'entrée et
dépaissance, droit de couper et de faucher, de faire paître et gîter dans tous les
vacants, ports et plateaux d' Asson.
12. -De
même, que tous les habitants et chaque particulier de la dite bastide aient droit
d'entrée et dépaissance, droit de couper, de faucher, de faire paître et gîter dans
tous les ports et plateaux élevés de Louvie-Juson, et en outre dans l'Ouste de Castet,
et accès pour le pacage jusqu'au troisième clocher (village), suivant la coutume
générale.
13. -De
même, que chaque habitant de la dite bastide puisse construire son four pour cuire son
pain et vendre celui-ci ou le donner à qui il lui plaira, à perpétuité, et ceci parce
que ainsi la juré le dit Arnaut de Mesplède, selon la teneur du second article
précédent.
14. -De
même, que chaque habitant de la dite bastide ait droit de chasse et de pêche dans tous
nos vacants et eaux, dans les limites de la dite bastide, sans payer droit de
« cimier ».
15. -De
même, qu'ils aient un marché à perpétuité de quinze en quinze jours, le lundi avant
le marché de Nay, payant le même droit d'entrée que celui qu'on paye à Nay.
16. -De
même, nous devons leur construire le moulin à farine et ils feront payer pour droit de
mouture, sur 24 parties d'un « quartal », une partie, et dans ce moulin que les
dits habitants de Bruges soient tenus de veiller un nuit (d'attendre leur tour de faire
moudre pendant l'espace d'une veillée d'une nuit), et cette veillée passée, qu'ils
puissent aller faire moudre dans tout autre moulin où il leur plaira, sans payer droit de
mouture au dit moulin.
17. -De
même, si un étranger faisait affront à quelqu'un de la dite bastide et s'il y avait cri
et appel à main forte, et que sur cela les habitants de la dite bastide tirassent quelque
arme dans la rue publique, ils ne soient pas tenus de payer une amende au Seigneur,
faisant la dite sortie pour la défense de leur corps, sans chercher à faire du tort.
18, -De
même, que pour quelque dette qu'un habitant de la localité devrait payer, il ne soit
point fait saisie des boeufs de labour, des outils de travail des champs, des effets de
literie et que le toit (de la maison) ne soit pas découvert.
19. -De
même, si quelque habitant de la localité
doit payer une dette et si condamné (à payer) par jugement il ne le fait pas, que le
Seigneur et les jurats puissent vendre et mettre à l'encan, selon la coutume, les biens
du débiteur pour payer le créancier, de manière cependant que si celui-là à qui
appartiennent les choses (vendues) ou son fils aîné héritier veulent les recouvrer, ils
présentent requête dans l'espace de deux mois et qu'ensuite ils aient un délai pendant
un mois et durant ce mois ils puissent les recouvrer, en payant le prix de la vente à
l'acheteur et douze deniers morlaas par livre d'indemnité, et pas autre chose, sauf nos
droits de lods et ventes perçus dans ces dites ventes à l'encan.
20. -De
même, nous leur avons donné et octroyé les étaux de la halle communale et les produits
et profits qui en découlent, et de même aussi la maltôte, à la condition de nous payer
les droits de lods et ventes.
21. -De
même, que tout habitant de la localité puisse tenir des brebis étrangères pour faire
du fumier, de Notre-Dame de Septembre à Noël, sans une permission spéciale du Seigneur.
22. -De
même, que tout habitant de la localité qui aura du fourrage et n'aura pas des animaux
pour le faire manger, puisse tenir du bétail (étranger) pour faire consommer le dit
fourage depuis Saint-Martin jusqu'à Pâques, sans avertir le Seigneur ; et de même aussi
qu'il puisse tenir des boeufs pour le labour en tout temps et des juments pour battre son
millet ou d'autres grains, où il pourra se les procurer, qu'eIles soient sa propriété
ou celle d'autrui, et cela parce qu'ainsi ont juré le dit Arnaut de Mesplede et Arnaut de
Noguers, habitants de Bruges, que ce privilège faisait partie des dites (grâces) et de
la fondation de la dite bastide.
23. -De
même, nous leur avons promis et accordé que nous ferons passer par la localité le
chemin de Saint-Pé de Geyres et d'Ossau.
24. -De
même, nous leur avons donné et octroyé cour petite (de justice).
25. -De
même, que pendant quinze ans, à partir de la présente date, ils ne soient pas obligés
de faire une donation quelconque ni de payer aucune somme d'argent à nous ni à aucun
fils légitime ou bâtard de Béarn.
26. -De
même, nous leur avons promis et accordé que nous ne donnerons ni ne ferons passer en
d'autres mains en debors de notre juridiction la dite bastide, à moins que nous ne
donnions ou fassions passer en des mains étrangères les localités de Morlàas ou
d'Orthez.
27. -De
même, que tout ouvrier ou charpentier habitant, récoltant et cultivant dans la dite
bastide puisse travailler franchement dans tous les vacants où ils ont droit d'accès et
qu'il puisse disposer de tous les bois de charpente qu'il fera partout où il lui plaira,
à moins qu'il ne s'agisse de bois de coeur de chêne.
28. -De
même, à perpétuité, nous leur donnons leur propre baile et ils ne seront soumis à nul
autre baile.
29. -De
même que la « rer desme » de la dite bastide appartienne à perpétuité à leur
église paroissiale, ainsi que l'évêque la leur a accordée.
30. -De
même, nous leur donnons et octroyons à cnaque sortie de la localité 6 perches de chemin
franc et ainsi de même dans les autres endroits où cela sera jugé nécessaire pour les
habitants, au jugement des jurats, présent et appelé notre baile de la dite bastide.
31. -De
même nous leur avons promis et octroyé que dans le cas où nous ferions un paréage avec
l'abbé de Sauvelade et que la terre de Capbis fût donnée à la perche (donnée en
fief), nous la donnerons aux habitants de la dite bastide de Bruges et non point à
d'autres personnes étrangères.
32. -De
même, que tous les gages qui seront saisis dans la dite bastide pour raison des tailles,
des vivres ou pour d'autres causes, soient vendus à l'encan, dans l'espace de 9 jours
après que la criée et si ceux à qui ils appartiennent n'en avaient pas fait le retrait
qu'ils puissent les recouvrer dans les 9 jours suivants, payant le prix que l'acheteur en
aura donné et de plus les droits de lods et ventes comme indemnité.
C'est pourquoi nous mandons à tous et à chacun de
nos senechaux, lieutenants, bailes, officiers, péagers, trésoriers, et vassaux, qui en
ce moment existent ou qui seront à l'avenir, que en tous et de tous et de chacun des
privilèges et autres grâces ci-dessus écrites, ils tiennent en sauvegarde, protection
et défense les habitants et simples particuliers de la dite bastide et qu'ils les en
laissent et fassent jouir de point en point paisiblement et tranquillement, sans
contradiction quelconque, de la manière exprimée ci-dessus. Données à Orthez, sous
notre propre sceau pendant le 13è jour du mois de mars l'an de Notre-Seigneur 1360.
Passé en Conseil où étaient présents Monseigneur
Guilhem d'Assat, Monseigneur Pey d'Ozenx, le trésorier de Béarn et
plusieurs autres.